D'autres soirées tranchent dans cette vie de grisaille, lorsque parviennent lettres et colis. La distribution des premières crée parfois un étrange silence. Des visages se ferment, des figures s'éclairent. Chacun s'isole un instant. Toute autre préoccupation, tout autre travail est écarté. On lit, on relit les quelques lignes qui rassurent ou, hélas ! parfois inquiètent. C'est à cet instant que l'amitié la plus pure éclate, on partage les confidences et les peines, les joies et les secrets.
La répartition des colis s'accompagne, au contraire, d'une agitation fébrile. Autour du chef de poste ou de la sentinelle s'agglutinent de nombreux prisonniers. Non seulement parce que le colis et son contenu intéressent tous les membres de la popote, mais parce qu'il faut prévoir les manoeuvres susceptibles d'en extraire tout ce qui pourrait être confisqué et parce que l'étalage des richesses est une excellente occasion de vanter, dans un choeur spontané, les mérites et les avantages des produits français. Il faut provoquer l'inattention du gardien pour se saisir rapidement d'un peloton de laine où l'on suppose trouver une lettre clandestine, pour faire disparaître une boîte de conserve qui augmentera les provisions réunies pour une évasion. On profite aussi des faiblesses humaines et l'offre d'une tablette de chocolat, d'un paquet de cigarettes rend plus compréhensif l'Allemand, qui hésite entre la tentation et le règlement.